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Atelier d'écriture
22 février 2006

Premier chapitre d'une nouvelle "Week-end"

WEEK-END. 

Ted détacha de son éphéméride le feuillet n°10 du mois de septembre 2001, en fit une petite boulette de papier qu’il roula serrée entre ses doigts puis la lança en direction de la corbeille qu’il manqua comme à chaque fois. Il n’y avait pas plus maladroit que lui, gauche de ses deux mains, détestait le bricolage qui généralement  tournait à la catastrophe, se coupant, s’estropiant un doigt, une main transpercée par un clou, enfin Ted était du genre intellectuel bobo au sens pratique embryonnaire. Il inscrivit sur les feuillets suivants « congés jusqu’au lundi 16  inclus». La pendule de son PC marquait dix-sept heures trente. Il fit une pose,  sirota une tasse de thé un peu brûlante au goût artificiel de fraise des bois, affalé au fond dans son fauteuil au cuir usé jusqu’à la corde. Son voyage du lendemain le tracassait un peu. Il détestait prendre l’avion, ses craintes tournaient à la phobie à un point tel qu’il préférait se déplacer en train ou prendre sa voiture, heureux malgré tout d’aller rejoindre sa chère petite Chris qu’il n’avait pas revue depuis des mois. Ted  se balançait d’avant en arrière, les pieds appuyés contre le bord de son bureau en rêvassant, seulement préoccupé par les nombreuses tâches qu’il aurait à accomplir dès son retour.

Ted et Chris habitaient une grande maison de bois prêtée par le père de Ted, un retraité  parti finir ses vieux jours en Californie, un homme usé par la dure vie des forestiers. Il avait construit sa maison, une grande maison faite de gros rondins de bois d’épicéa, au charmante rappelant les maisons de bois polonaises, si bien décorées et si confortable à vivre. Le chalet était situé en lisère de forêt, à cinq minutes à pied du bourg. Chaque jour Ted prenait son véhicule, se rendait à la gare située à une heure de train de Manhattan. Cette séparation le rendait malheureux, la privait de sa femme, l’essentiel de leur vie de couple et des meilleurs moments de leur existence comme de leurs petites disputes passagères. La grossesse de Chris posait quelques problèmes suffisamment graves pour mettent en danger la vie de ce petit enfant à naître. Ils l’avait tant désiré, tant espéré. Ils eurent à recourir à l’insémination artificielle ? Ted était stérile, une infirmité lié à une maladie enfantine attrapée tardivement.  et dont il en ressentait un immense complexe, une incapacité masculine qui le blessait dans son amour propre. Par nécessité, Chris était parti s’installée chez ses parents, passait  le plus clair de ses journées alitée, sur une chaise longue ou sur un énorme matelas gonflable au bord de leur splendide piscine, chouchoutée par une mère débordante d’attention et d’amour maternel. Les parents de Chris résidaient dans la région sud de San-Francisco, habitaient une maison cossue sur les collines environnantes d’où l’on pouvait apercevoir la baie et le colossale Golden-gate.

Privé de sa femme, Ted se sentait désoeuvré, parfois un peu dépressif. Il n’avait pas le choix Il ne s’attardait plus le soir avec ses amis ou un bon collègue à boire un verre à la sortie du bureaux, ne profitait plus de la vie, ne voyait plus ses amis s’enfermait dans sa coquille et rongeait le frein de sa solitude. Son bonheur exclusif passait nécessairement par celui de sa chère et tendre épouse qu’il chérissait d’un profond et bel amour, un sentiment renforcé par l’absence. Arrivé le soir à son domicile dès lors qu’il mettait la clé dans la serrure, le silence pesant lui flanquait le cafard. Alors la morosité s’emparait de lui, l’entraînait dans une sorte d’abattement qui le rendait apathique, passant de l’ennui passif aux pensées morbides. Ted souffrait d’un mal être récurent qui s’aggravait à mesure que les semaines de solitudes passaient. Il pouvait restait des heures allongé sur son lit, ne pensant qu’à elle, imaginer ce qu’elle pouvait faire à cet instant précis, ce qu’elle ressentait, malgré les coups de fils qu’ils échangeaient chaque jour à grand frais. Depuis qu’il était seul, Ted ne cuisinait plus, se contentait d’une boite de mais ou d’un steak congelé, d’un potage déshydraté. Les minutes semblaient des heures et les heures n’en finissaient pas de s’égrainer au rythme trop lent d’un tic-tac d’horloge comtoise. Le bonheur idyllique de sa douce vie s’en était allé avec le départ de sa chère et tendre Chris et Ted se languissait d’elle.

Ce n’était ni les divertissements de sa  banlieue perdue ni les programmes télé qui auraient pu endiguer son état d’asthénie. Ted n’échappait pas à la logique de l’homme célibataire qui ne prête plus vraiment attention à la propreté de son intérieur comme à la netteté de ses cols de chemises, élimés, mal repassés. Ses pantalons étaient difformes, froissés, presque immettables. La maison était dans un état déplorable, la cuisine repoussante de crasse, n’offrait plus de place pour poser seulement une assiette dans un évier rempli de vaisselle sale. Quant au lave vaisselle, plus rien n’y entrait depuis plusieurs jours, les restes de nourriture collés aux assiettes se teintaient de moisissures suspectes. A la cave, le tas de linge grandissait de jour en jour. Une lessive oubliée pourrissait dans le lave-linge. Sa penderie n’offrait plus que des vêtements d’hiver alors qu’il faisait une trentaine de degré dès onze heures du matin. Décourager par les nombreuses tâches qui s’accumulaient et qui le répugnaient, Ted renonça devant un tel capharnaüm, passant plus de temps devant son home-TV qu’à se mettre à faire un peu de ménage. Il pouvait visionner pour la dixième fois un DV ou passait des heures sur son ordinateur à dialoguer sur le Internet à la recherche de d’échanges factices, un mail sympas le rassérénait. Passionné de wargames et de jeux de rôle il pouvait rester des heures devant son écran.  Ted était le genre de type à voir trois films dans la soirée, puis à s’effondrer de sommeil, calé entre deux coussins du sofa jusqu’à ce que la fraîcheur du petit matin le réveille.

Quand le vague à l’âme se faisait trop pesant, frustré d’amour et de tendresse, Ted réécoutait avec nostalgie la voix sensuelle et chaude de Billy Holiday, aux airs où se mêlaient mélancolie doux-amer et désespoir profond. Ted rêvait alors à cette femme si étonnante, une merveilleuse chanteuse. En ses instants de langueur et de complète frustration, Ted aurait fait l’amour à toutes les filles de la terre entière en ne voyant qu’au travers de ses pulsions  passagères,  sa Chris tant aimée. Le chat était neurasthénique, rentrait tôt le matin, un mulot dans la gueule en guise de cadeau alors que son maître oubliait trop fréquemment de le nourrir. L’aspirateur n’avait pas vu le jour depuis des semaines et les moutons s’amoncelaient sous les lits. Quant au frigidaire, il ne brassait plus que de l’air froid dans un vide à l’odeur de un peu écœurante de plastique renfermé. Nécessité faisant loi, l’estomac de  Ted  le ramenait à la raison. Alors, il montait dans son vieux pick-up, allait s’offrir un triple super-king-burger mayonnaise gorgé de cornichons sauce aigre-doux, largement dégueulant de ketchup consommé dans un petit fast-food populaire à l’enseigne géante d’un cornet de glace aux couleurs crues, ou bien allait déguster une pizza marguerita calibre XXL chez l’Italien du coin. Il y réservait toujours la même table, celle avec vue sur la salle d’où il prenait plaisir à observer les clients, la plus part obèses, des masses boudinées de graisses moulées par la pesanteur, des goinfres s’empiffrant de montagne de tortellini sauce tomate sucrée, ou de  pizzas noyées sous d’épaisses couches de fromage filant comme du gruyère français avec le goût en moins. Après s’être gavés comme des oies, ils étaient encore capables d’engloutissant d’énormes parts de gâteaux à la crème fraîche rappelant les fameux wedding-cake aux couleurs dragée de première communion, gloutonnerie effrénée allant remplir leurs hypogastres distendus à excès, énormes ventres distendus passant par dessus leur ceinturon qui ne servait plus qu’à éviter l’éventration, dégoulinades de graisse allant s’écraser mollement sur des cuisses aussi boursouflées que leurs penses. Ted observait ces machines à goinfrer avec autant de dégoût que de délice, épiais leurs tics, leurs gestes grossiers, leur  collait une étiquette par la seule observation de leur comportement, par leur manières de se tenir à table et par la vitesse à laquelle ils engloutissaient autant de nourriture trop grasse et trop sucrée, signes révélateurs d’une société qui n’a plus pour préoccupation que la surconsommation, sur-télévision, la majorité des américains crevant de suralimentation alors que les deux tiers de la planète souffrait du contraire, une situation étonnante pour des gens qui se réclament de la fois du puritanisme, de leurs bonnes action chrétienne, de la démocratie entre les peuples  et de la justice en ce bas monde.

Il n’y avait pas que ces gens adipeux qui l’intéressaient. Ted avait une certain plaisir à débusquer les couples illégitimes, impatients d’en finir avec leur trois spaghetti bolognaise à peine entamé, pour aller se repaître d’illégitimes baisers et de caresses adultérines dans une chambre de motel à bon marché alors que leurs conjoints se morfondaient de jalousie et d’inquiétude en se morfondant d’amour pour leurs infidèles époux. Il y avait aussi les tablées de familles aux enfants turbulents et brailleurs, leurs parents s’ennuyant placidement parce qu’ils n’avaient plus rien à se dire sinon d’échanger quelques considérations médiocres quant à l’avenir de leur progénitures, parlant de la  banalité un peu falotes de leur quotidien. Finalement des hommes et des femmes étrangers l’un à l’autre, ne vivant sous le même toit que par la nécessité de leurs responsabilités, de leurs énormes dettes et parce qu’ils n’étaient pas de bon ton, dans une petite localité pétrie de christianisme à l’américaine de divorcer, les liant l’un à l’autre tant que leurs marmailles s’envolent du nid.

Ted et Chris était un couple bien à part. Leur amour restait intact comme au premier jour de leur rencontre et ce ne sont pas les vicissitudes incontournables de la vie qui auraient pu éroder le puisant attachement qui les liait l’un pour l’autre. Ils venaient de fêter leur troisième anniversaire de mariage et bien qu’ils étaient si différents de caractère, ils s’aimaient et s’appréciaient autant pour leur complémentarité que par l’attrait physique qu’ils avaient l’un envers l’autre, unis par le puissant lien d’amour passionnel.

Mais si les vertus de la chasteté permettent aux amoureux d’honorer leurs promesses, les pulsions sexuelles atteignent des limites qui mettent en péril de tels engagements. La parole donnée  s’oublie rapidement là où commence un viscéral désir de faire l’amour, devient une idée fixe qui trotte dans la tête à longueur de journée, fait irrésistiblement tourner le regard vers tout ce qui ressemble à une femme, tout ce qui excite la libido refoulée.

Comme tout homme normalement constitué et privé de tendresse, d’amour et d’un simple besoin naturel, Ted souffrait de privations qui le minaient. Bien que son amour pour Chris soit grand, il était prêt à donner un coup de canif dans le contrat, seulement par le soucis hygiénique d’aller se vider les testicules trop gonflées par le désir à qui lui donnait parfois un mal violent aux parties génitales. Il aurait pu se soulager facilement mais la masturbation l’ennuyait, et préférait découvrir ce que pouvait être d’aller avec une prostituée.

Une nuit de grande solitude, alors qu’une bouillonnante envie de faire l’amour l’aiguillonnait depuis des heures, Ted pris le parti de mettre au rancard sa fidélité qu’il noya sous une chape de d’hypocrites excuses, se promettant de cacher la vérité à son épouse. Il se mit en quête d’une fille faisant commerce de ses charmes pour autant que ce genre de personne puisse justement en avoir. Ignorant tout en la matière, ses codes et de ses dangers. Ted partit un peu au hasard, loin de sa ville, par soucis de discrétion, éviter les commérages prêts à relayer abondamment les scandales. Plus ils étaient glauques et plus les esprits s’échauffaient, affabulant jusqu’à l’ignominie. Ted prit la direction  de Newton, une petite ville reculée au coeur du New-Jersay,  succession de bois et de forets sauvages épicentre d’une majestueuse beauté à la nature généreuse.

Ce soir là ce n’était pas exactement ce genre de beauté qu’il venait chercher ni l’objet de ses  préoccupations premières. Ted entra dans une bourgade où tout semblait s’être couché avec les poules et où les habitants n’avaient rien d’autre à faire qu’à sombrer dans l’endémique ennui de leur petite vie sans intérêt. Ted ne savait pas vraiment où aller, comment aborder une prostituée. Il n’en connaissait pas. D’ailleurs, il n’avait qu’une idée assez vague sur la question, celle qu’il avait appris au travers de ses lectures et de ses films. La ville n’offrait aucun divertissement et l’ambiance qui y régnait était à l’image de ses petites maisons simplettes, toutes identiques rappelant celles des corons des villes minières de l’Europe du nord où l’on crève du chômage et de la misère. Ted était entré dans l’unique bar resté ouvert à une heure tardive, avait commandé un Martini avec rondelle de citron. Le barman s’était approché de lui avec la tête du type qui se targue de tout connaitre en glissant  une confidence un peu vulgaire à l’oreille du client qui ne demande qu’à le croire.

-          Dis-moi mon gars, si tu cherches une fille pour la soirée, je peux te donner une bonne adresse. Il n’y en a qu’une mais une sacrée bonne adresse. Et tu seras pas déçu, non de Dieu de nom de Dieu ; dit-il en secouant une main à faire claquer ses doigts.

-          Heu ! Oui, je…pourquoi pas, dit Ted embarrassé par la proposition du serveur.

-          Tu ne trouveras rien dans ce bled pourri. Sorts de la ville et vas vers Port Jervis. Tu ne pourras pas le manquer. C’est à quelques kilomètres d’ici

-          Manquer quoi ?

-          Ben quoi ? Le studio 45

-          Je ne connais pas. Qu’est-ce ?

-          Tu ne connais pas le Studiot 54 ? Mais t’es un vrai pedzouille. C’était une boite branchée des années 70 au cœur de la cinquante quatrième rue. Le patron à repris ce nom pour sa boite. Tu y trouveras ton bonheur, mon vieux. C’est devenu un club un peu particulier. Le type qui tient l’établissement c’est un pote à moi. Il a inversé les chiffres, 45, 54. Tu vois ce que je veux dire ? devant, derrière si tu veux un peu plus de détails.

Ted écoutait avec attention, histoire de ne pas passer pour le dernier des crétins. Il n’avait jamais entendu parlé de ce film, ignorait tout de ce dancing très branché, ignorait tout du film « Studio 54 », but son verre, reprit la route en direction de Port Jervis.

C’était une belle et chaude nuit d’août. Le ciel était dégagé,  noir d’encre, constellé d’étoiles. Ted aperçut la traînée lumineuse d’une météorite passer devant ses yeux. Il sourit, fit un souhait comme le voulait la tradition. Il n’y croyait pas vraiment mais cela n’avait pas d’importance. Il fit malgré tout son vœu, celui d’avoir un beau petit garçon.  Il avançait sur cette route rectiligne, bordé de magnifique sapins, roulait à vive allure les deux vitres abaissées, se laissant griser par la vitesse autant par que par la perspective d’une soirée aux promesses excitantes. Studio 45 était fléché à droite. Il s’engagea sur une petite route de terre battue, roula un demi mile, gara sa voiture au parking du club. L’endroit détonait avec le calme environnant. Il se dirigea vers l’entrée d’un bâtiment à l’apparence de night club. Deux hommes au profil d’athlètes lui barrèrent le chemin.

-          Bonsoir, Monsieur. C’est deux cent dollars l’entrée si vous êtes seul, et si vous êtes accompagné d’une femmes la place est gratuite pour elle.

-          Je suis seul. Deux cents dollars, c’est très cher ! Je n’ai que cent cinquante sur moi. Dommage ! Je reviendrai une autre fois, dit-il en faisant demi-tour.

Les deux hommes se concertèrent un bref instant, revinrent vers Ted.

-          hep Monsieur, ne vous vexez pas. C’est  Ok pour cent cinquante. Vous pouvez  entrer.

Malgré le rabais consenti, Ted trouva la note salée mais  en accepta l’augure. L’un des deux hommes lui remit un ticket de boisson et lui souhaita bonne soirée. L’entrée était petite et sombre, un rideau de velours rouge sombre masquait un escalier plongeant d’où venait un air de swing de Lionel Hampton. En descendant les marches qui le conduisaient aux dancing il croisa une fille sculpturale, s’en ému. C’était une femme impressionnante de beauté, modelée par la grâce d’Aphrodite. Ted prit l’attitude du type blasé pour qui les filles n’étaient pas un problème, feint de ne pas la regarder, franchi un second rideau,  déboucha dans une vaste salle au décors chargé typique des maisons closes très  fin de siècle parisienne. Il y avait à sa droite un bar style rococo où était accoudés quelques consommateurs, peut-être des habitués. Sur la piste dansait deux femmes. Leur danse aurait pu passer pour inconvenante, mais la grâce qui se dégageait de ce couple harmonieux et sensuel les rendait encore plus attirantes et belles. Il y régnait une atmosphère étrange . L’odeur qui s’en dégageait l’était tout autant. Un mélange d’odeurs de transpiration mêlées à des parfums de femme, des odeurs de fumées opiacée des fumeurs de marijuana. Ted hésita un instant, intimidé, sur ses gardes, ne sachant quelle attitude prendre, se fit le plus discret possible. Il chercha une solution de repli stratégique, se dirigea vers le bar et s’y installa, très inconfortablement,  sur le coin d’un tabouret trop grand pour lui. Il se  campa dans une attitude faussement désinvolte qui lui provoqua une violente crampe dans la cuisse gauche.

-          Qu’est-ce que je te sers l’ami ?

-          Je ne sais pas, Un martini !

Le barman, un bel homme très noir à l’allure féline, un corps musclé et galbé dans un pantalon moulant ; montrant avec une ostentation patente un sexe d’une taille anormalement développé, lui tendit un verre rempli de martini et de glace pilée. Ted lui remit son ticket.

-          Eh, mon gars, on voit bien que tu n’es pas un habitué de la maison. Ici, le premier verre est gratuit. Garde ton ticket pour la fin. Tu en auras besoin, je peux te l’assurer. C’est la première fois que tu viens ici, je ne t’ai jamais vu dit-il en le détaillant du coin du regard.

-          Oui. dit Ted timidement.

-          Tu es beau garçon. C’est comme tu veux mon grand. Cela dépendra de ce que tu es venu y faire. Il y a tout ce que tu désires, des brésiliennes, des blacks, des filles, des couples, des maris qui prennent leur pied à voir leurs femmes se faire baiser par d’autres types. Si tu veux un conseil d’ami, attends sagement qu’on t’invite, c’est la meilleure chose que tu puisse faire et tu ne seras pas déçu.

-          Merci Monsieur.

-          Ici, personne ne m’appelle Monsieur, moi c’est Jorgi

-          Excusez-moi Jorjy

Pour se redonner un peu de courage, Ted vida son verre d’un trait. L’alcool fit effet rapidement, l’enivra agréablement. Il fallut qu’il aille aux toilettes.

-          C’est à gauche avant la sortie.

-          Ah merci, surpris que ce type ait pu deviner si facilement son envie.

En sautant de son tabouret, Ted sentit ses jambes mollir et sa tête lui tournait légèrement. Il se dirigea vers la sortie, entra aux toilettes. Il n’y avait pas de séparation entre celles des hommes et celle des femmes. Il trouva cela curieux, presque inconvenant. L’endroit était assez propre et coquet, deux types urinaient l’un à côté de l’autre quand Ted s’aperçut qu’ils se masturbaient réciproquement. Choqué autant que surpris, Ted fit mine de n’y prêter aucune attention, eut envie d’en rire, alla s’isola pour uriner. Il détestait uriner sous le regard des autres, ça le bloquait. Qu’on puisse le surprendre en train de pisser lui coupait immédiatement son écoulement. Il trouva son sexe petit, tira dessus comme si d’un coup de baguette magique, la taille de son pénis allait s’allonger de vingt centimètres, un vieux complexe qu’il traînait depuis l’enfance. En revanche, il jugeait ses testicules trop grosses,  aurait préféré le contraire, mais la nature ne lui en  donna pas le choix. 

Il redescendit au bar. La musique avait changée, plus douce, plus feutrée quant la fille qu’il avait croisée en entrant s’approcha de lui, le prit par la main et l’entraîna sur la piste. Elle avait quelque chose de troublant et de très excitant à la fois, avait une poitrine de rêve. Elle se colla à lui en l’entraînant dans une danse au mouvement lascifs. Ted se risqua à coller timidement sur joue contre la sienne. Immédiatement, elle lui rendit un baisé sur les lèvres, sentit pénétrer sa langue douce et humide lui caresser les dents. Sa  fougue le surpris un peu, se laissa prendre par la volupté de l’instant, lui rendit son baisé avec une fougue qu’il ne se connaissait pas. Son haleine était un peu chargée d’alcool, son parfum l’envoûtait, l’excitait davantage. Ted ressentit une forte érection, se décolla d’elle un peu par pudeur, ne voulant pas précipité ce qui devenait inéluctable. Sa partenaire s’en aperçut, en profita pour se plaquer contre lui en lui caressant l’entre jambe d’une main aussi experte que douce puis l’embrassa à nouveau avec application et délice quand brusquement Ted sentit un sexe d’homme se frotter contre le sien. Il recula d’un bond, les yeux effarés, choqué et humilié, repoussa violemment la fille ou le travesti, il ne savait plus, l’autre chuta en hurlant des insanités

-          Tu n’es qu’un petit con. Je te sentais pourtant très excité quand je te caressai ta petite queue. Elle n’est pas très grande mais elle est raide comme de l’acier.

-          C’est, c’est différent. Je ne savais pas que tu était un homme en femme enfin un pédé, un travelo.

-          Tu veux dire un type qui aime se faire enculé par d’autre mecs et qui prend son pied. Tu n’es qu’un idiot. Tu ne sais pas se que tu manques. Il faut essayer avant de juger. Petit trou du cul de refoulé. Va baisé ta femme et casse-toi

-          Espèce de sale pute …

Mais avant que Ted ne s’énerve, deux videurs l’agrippèrent puis le jetèrent dehors sans ménagement.

-          Ici, on ne se bât pas. Ne remettez plus les pieds chez nous. Vous n’avez pas le genre ni les moyens.   

Furieux d’avoir été abusé par un travesti et un peu molesté par de gros bras, enfin traité de petit trou du cul refoulé, tout cela le mit hors de lui. Il remonta dans sa voiture écumait de rage, envoya des coups de poing sur tout ce qui était à sa porté, démarra comme un dément en hurlant sa hargne contre l’escroquerie dont il était victime, dévala la petite route empierrée à tombeau ouvert en soulevant un épais nuage de poussière blanche quand une subite angoisse l’envahit. Le sida ! Il allait attraper le sida. En une fraction de seconde sa fureur se transforma en angoisse incalculable. Il se voyait gisant sur un lit d’hôpital, crachant le sang fétide de ses poumons gangrenés, pensant à Chris et à son enfant eux aussi atteints par le mal, viré de son job , mis au chômage pour maladie grave. Son esprit n’était plus que succession d’images catastrophiques, idées noires, avenir morbide. Après une heure de route infernale émaillée de pensées apocalyptiques, il arriva à son domicile, la bouche sèche, les tripes nouées, alla directement à l’armoire à pharmacie attrapera un flacon d’alcool pure, en bu quelques lampées s’en rinça méticuleusement la bouche, la langue, se gargarisa puis s’en aspergea le sexe et les parties génitales, jusqu’à ce que de cuisantes brûlures causée par l’alcool le fasse hurler de douleur ; La minute suivante il se retrouva à califourchon au-dessus de la baignoire, la douchette braquée sur son entrejambe, s’aspergeant le sexe et les testicules à grand coup de jets d’eau glacé. Les brûlures diminuèrent mais les angoisses augmentèrent. Pris d’une panique folle, il se rhabilla à la hâte et se rendit au laboratoire d’analyse médicale le plus proche de son domicile. Il devait être à peine six heures du matin, carillonna jusqu’à ce que la gardienne de l’immeuble lui ouvre la porte. Ted s’excusa de son arrivé si matinale, demanda à passer un test HIV de toute urgence. La vieille dame conciliante le fit entrer en lui demandant de bien vouloir patienter dans la salle d’attente jusqu’à l’arrivée du personnel médicale. 

-          Clamez-vous ! Le labo n’ouvre qu’à sept- heure.  On n’attrape pas le sida comme ça. Il faut une pénétration anale ou vaginale, dit elle. Allez vous calmer sur ce divan, je vous apporte une tasse de café.

Un bonne heure s’écoula. Ted n’avait de cesse de consulter sa montre, puis feuilleta quelques  magazines sans intérêts, consulta des revues médicales qui lui augmentèrent la peur de ce qu’il redoutait.

Enfin, les premiers clients arrivèrent, la salle se remplit rapidement. Une secrétaire médicale entra.

-          Monsieur Ted Chenail ! Ah c’est vous. Entrez en cabine 4, une infirmière va vous prendre. Avez-vous eu des rapports avec un autre homme ?

Rouge de confusion, Ted se serait glissé dans le trou de souris. Il répondit à voix basse

-          Non, non, rien de tout cela.

-          Alors ça ne presse pas. Avez-vous avalé du sperme ?

Du pourpre il passa au violet. Ted transpirait comme une dinde qu’on faisait griller au four, ravala la dernière goûte de salive.

-          Je vous en prie, parlez plus doucement.

-          Que je parle plus doucement mais pour quoi faire ?

-          Ils vont nous entendre !

-          Cela ne me gêne plus depuis le temps que je fais ce boulot, j’ai l’habitude . Monsieur Chenail. Aller en cabine quatre ? Garder le slip sauf si on vous demande de le retirer.

Ted ne comprit pas pourquoi il fallait se déshabiller pour passer un test HIV et pourquoi il devait consulter une infirmière puis un médecin. Il fut reçu par une femme qui l’ausculta avec professionnalisme, lui posa quelques questions simples mais fort embarrassante, dut répondre avec force détails fit enfin une prise de sang et fut mis en garde.

-          Il va falloir coûte que coûte que vous préserviez la vie de votre femme et celle de votre futur enfant. Vous utiliserez des préservatifs solides et vous en changerez à chaque rapport. Il serait bon que vous préveniez votre épouse. Vous serez définitivemenr rassuré dans quelques mois.

-          Oui. non. Enfin, sa colère va être terrible !.

-          Vous auriez du y réfléchir avant. Maintenant il va falloir que vous attendiez au moins quatre semaines pour être sûr à quatre-vingt pour cent, savoir si vous êtes porteur du virus.

-          Ne peut-on pas accélérer les tests ?

-          C’est impossible, les résultats sont obtenus en vingt quatre heures mais le virus peut incuber plusieurs semaines, voir des mois. Dans trois mois vous repasserez ces mêmes tests. On en saura davantage et préservez-vous quand vous aurez des rapports sexuels

Les semaines qui suivirent lui firent regretter amèrement sa soirée de débauche manquée qui devint le souvenir le plus désagréable de son existence. Ted passait sans transition ni discernement de l’optimisme béat à la plus grande déréliction jusqu’à ce qu’il puisse enfin passer les tests qui se révélèrent négatifs.

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